Pénurie de dermatologues en France : causes et conséquences

Un patient français sur deux patiente plus de six mois avant de rencontrer un dermatologue. Entre 2007 et 2023, le nombre de spécialistes a plongé de 15 %, alors même que la demande n’a cessé de grimper.

Le boom de la dermatologie esthétique siphonne désormais une fraction croissante des consultations, laissant la dermatologie médicale en retrait. Dans les campagnes et certains quartiers urbains, trouver un praticien relève du parcours du combattant. Ni la multiplication des formations accélérées ni l’appui des médecins généralistes en première ligne ne suffisent à colmater la brèche.

Pénurie de dermatologues en France : où en est-on aujourd’hui ?

La pénurie de dermatologues s’est installée partout. Selon la Société française de dermatologie (SFD), moins de 3 600 dermatologues exerçaient en France en 2022, soit une densité moyenne famélique : 5 spécialistes pour 100 000 habitants. Même son de cloche du côté du syndicat national des dermatologues : le nombre de professionnels dégringole, alors que les besoins explosent.

Le vieillissement de la profession pèse lourd. Plus de 40 % des dermatologues en poste sont proches de la retraite, d’après le dernier rapport du Conseil national de l’Ordre des médecins. Les prévisions sont claires : la situation ne va pas s’arranger dans les cinq à dix ans à venir. Les jeunes internes en dermatologie arrivent au compte-gouttes, loin de compenser la vague de départs. Le numerus clausus, resté figé trop longtemps, a laissé des traces profondes.

Le constat se traduit en trois réalités concrètes :

  • Déserts médicaux : dans certaines zones rurales ou périurbaines, plus aucun cabinet de dermatologie n’ouvre ses portes.
  • Inégalités territoriales : les grandes métropoles concentrent presque tous les spécialistes, laissant des pans entiers du pays sans accès direct à la spécialité.
  • Médecins généralistes sollicités : faute de rendez-vous rapides, les patients s’en remettent de plus en plus à leur médecin traitant pour des problèmes de peau parfois complexes.

La SFD et l’Ordre des médecins tirent la sonnette d’alarme : la situation va empirer, mettant en danger la prise en charge des maladies cutanées et la prévention des cancers de la peau. Les soignants s’interrogent : le système sera-t-il capable de répondre à la demande, alors que la démographie médicale s’effondre dans plusieurs spécialités ?

Quels sont les impacts concrets pour les patients et l’accès aux soins ?

La pénurie de dermatologues bouleverse tout le parcours de soins. Obtenir un rendez-vous devient une épreuve. Par endroits, l’attente grimpe à un an, parfois plus, même pour une consultation de routine. Face à ce mur, les patients se rabattent sur leur médecin généraliste. Ces praticiens, bienveillants mais souvent démunis, n’ont pas toujours l’expertise requise pour détecter un cancer de la peau ou assurer un suivi de longue haleine pour des maladies chroniques.

Les conséquences, elles, se multiplient. Les diagnostics tardifs progressent, notamment pour les cancers cutanés, dont les chiffres ne cessent de grimper. Un grain de beauté suspect attend parfois des mois avant d’être examiné. Cette perte de temps réduit les chances de détection précoce, pourtant décisive. Même les suivis pour des pathologies bénignes mais tenaces, eczéma sévère, psoriasis, acné rebelle, deviennent plus espacés, impactant la qualité de vie.

Voici les principaux effets visibles de cette tension sur le terrain :

  • Soins dermatologiques reportés, voire annulés
  • Inégalités d’accès qui s’accentuent entre les grandes villes et les campagnes
  • Pression qui monte chez les médecins généralistes

Autre conséquence : la hausse du nombre d’actes non remboursés. Découragés, certains patients se tournent vers des alternatives parfois onéreuses, parfois risquées. Les hôpitaux, déjà saturés, tentent d’absorber les cas les plus urgents, non sans mal. Pour la santé publique, l’équation devient insoluble : chaque retard ou renoncement aux soins entraîne des répercussions médicales et sociales, difficiles à rattraper.

Entre attrait pour l’esthétique et initiatives récentes, quelles pistes pour sortir de la crise ?

Difficile d’ignorer le virage pris par une partie de la profession : les jeunes médecins formés à la dermatologie s’orientent de plus en plus vers les soins esthétiques. Les actes de laser, d’injections ou de peeling, plus lucratifs et moins contraignants que la prise en charge des maladies chroniques, séduisent. Gaëlle Quéreux, présidente de la société française de dermatologie, résume la situation : le fossé se creuse entre l’activité médicale et l’esthétique, alors que le besoin de suivi pour les pathologies cutanées ne cesse de croître.

Des initiatives émergent pour tenter d’enrayer la pénurie. Le nombre d’internes augmente, des aides à l’installation en zones en manque de spécialistes se multiplient, la revalorisation des actes médicaux est engagée. Mariam Deriouich, qui représente les internes en dermatologie, voit dans ces mesures un regain d’attractivité, mais souligne le besoin d’un accompagnement concret sur le terrain pour éviter que les nouveaux venus ne désertent les territoires sous-dotés.

Plusieurs leviers sont testés ou renforcés :

  • Déploiement de la télédermatologie, qui permet un premier tri à distance et une orientation plus rapide
  • Collaboration plus étroite avec les médecins généralistes, notamment depuis la crise du Covid-19
  • Nouvelles formations pour une détection précoce des cancers de la peau

La profession ne reste pas les bras croisés. Les responsables de la société savante multiplient les actions de sensibilisation auprès des pouvoirs publics et des étudiants. L’équilibre entre soins esthétiques et suivi médical reste en question, tout comme le besoin de soutenir les praticiens qui choisissent d’exercer là où le besoin est le plus criant.

Le paysage médical évolue à marche forcée. Demain, qui veillera sur notre peau ? La réponse, pour l’heure, reste suspendue entre incertitude et espoir de changement.

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